ÉCLAIRONS LA SANTÉ MATERNELLE ! 🌱

Au Fonds de Dotation ASI, nous portons un engagement fort pour la santé des générations futures.

Découvrez cet article percutant sur la nutrition des femmes enceintes, écrit par Clélia Bianchi, Docteure en nutrition, diététicienne et présidente de l’association Alim’Mater.

L’alimentation de la future maman :

grande oubliée des programmes de santé publique ?

La période des « 1000 premiers jours », allant de la conception aux deux ans de l’enfant, est déterminante pour son développement et la santé de l’adulte qu’il deviendra. L’alimentation de la maman pendant la grossesse et potentiellement l’allaitement en est une composante avérée et non-négligeable. Pourtant, cette thématique reste trop peu adressée pour les futures et jeunes mamans, soit l’équivalent des « 450 premiers jours »… Pendant cette période, la prévention est pourtant un levier majeur pour la santé de la mère, de l’enfant et de la famille.

Une période où les besoins nutritionnels sont accrus mais pas toujours satisfaits…

La grossesse et l’allaitement s’accompagnent d’une augmentation des besoins nutritionnels afin de permettre un développement adéquat du fœtus puis de l’enfant tout en maintenant la bonne santé de la mère1. Cependant, dans les pays développés où l’alimentation est, le plus souvent, riche en énergie, graisses et sucres et pauvre en vitamines et minéraux, l’alimentation des femmes enceintes et allaitantes est marquée par les mêmes tendances2,3. En France, les données existantes sur la nutrition des femmes pendant ces périodes font état d’apports inadéquats en de nombreux nutriments essentiels pour la santé de la mère et de l’enfant (notamment oméga 34,5, fibres, folates, vitamine D et iode6,7).

    … ce qui a des impacts majeurs sur la santé de la mère et de l’enfant

    Selon le concept des origines développementales de la santé et des maladies (DOHaD), l’environnement maternel, comprenant l’alimentation, a un impact majeur sur le déroulement de la grossesse, mais aussi sur la santé de la mère et celle de l’embryon, du fœtus, et de l’enfant dans sa vie future8. Une alimentation peu qualitative pendant la grossesse et l’allaitement, caractérisée notamment par une consommation faible de fruits et légumes, produits céréaliers complets, fruits à coques et poisson, et élevée de produits très transformés, gras et sucrés, augmente notamment le risque de diabète gestationnel, de dépression post-partum, de poids de naissance inadéquat (trop faible ou trop élevé), de moindre développement cognitif et d’obésité infantile9. De plus, l’exposition alimentaire aux perturbateurs endocriniens tels que les pesticides, les polluants organiques persistants ou les additifs ne fait qu’accroître ces risques pour la mère 11 et l’enfant10.

    La prévalence de ces problèmes de santé périnatale est forte en France : une femme enceinte sur six développe un diabète gestationnel, un bébé sur sept naît avec un poids de naissance inadéquat12 et un enfant sur trois, âgé de 2 à 7 ans, est en surpoids ou obèse13

    L’alimentation de la future et jeune maman n’est pas épargnée par les inégalités sociales de santé

    La relation entre inégalités sociales de santé et nutrition est largement décrite en France14 et n’épargne pas les femmes enceintes et allaitantes15,16. Le moindre coût et la plus forte disponibilité de produits très transformés de faible qualité nutritionnelle et/ou de fort impact environnemental expliquent en partie la plus forte prévalence du surpoids et de l’obésité au sein des catégories socio-professionnelles les moins favorisées. Le suivi de grossesse classique ne prévoyant pas d’actions de prévention à l’alimentation, les futures et jeunes mamans les moins favorisées, étant moins informées ou n’ayant pas les moyens de consulter une diététicienne, ne sont pas accompagnées vers une alimentation plus saine et plus durable, favorable à leur santé et celle de leur enfant.

    Les recommandations alimentaires du Programme National Nutrition Santé constituent un idéal, mais les contraintes de budget et de temps rendent difficiles leur mise en œuvre dans leur intégralité. A l’heure actuelle, en France, la consommation unique de produits issus de l’agriculture biologique, de céréales complètes, de fruits à coques ne peut se faire à budget constant.

    Des futures et jeunes mamans en demande d’informations fiables et positives sur l’alimentation

    En France, les futures mamans se sentent culpabilisées et perçoivent des tensions vis-à-vis de l’alimentation, qui sont engendrées par trois causes identifiées comme difficilement contrôlables : les restrictions alimentaires, les troubles digestifs et la prise de poids. Elles recherchent des solutions pour reprendre le contrôle sur leur alimentation par l’adoption de pratiques alimentaires plus saines qui leur permettent à la fois de mieux gérer leur prise de poids et de contribuer positivement à leur motivation principale : leur bien-être et celui de leur enfant. Cependant, les informations conflictuelles qu’elles obtiennent auprès de différentes sources créent une cacophonie qui limite l’adoption d’une alimentation plus saine. Lorsqu’elles ont connaissance des recommandations alimentaires, elles mentionnent que les contraintes budgétaires et le manque de temps ajoutent un frein quotidien à leur suivi. Ainsi, les femmes enceintes souhaiteraient ainsi bénéficier de conseils alimentaires positifs, faciles à comprendre, adaptés à leur contraintes de temps et de budget, et provenant d’une source crédible pour les accompagner sur l’alimentation dès leur grossesse17.

    Des bénéfices pour la santé et une demande des professionnels de santé et des futures mamans : la naissance du programme « 9 mois à croquer » de l’association Alim’Mater

    L’association pour l’alimentation maternelle (Alim’Mater) a pour mission d’agir en faveur d’une alimentation plus saine et plus durable de CHAQUE future et jeune maman et de son entourage proche, pour contribuer à une santé durable au sein des familles. Nous sommes convaincus qu’agir pour l’alimentation dès le premier des 1 000 premiers jours est essentiel à l’épanouissement et à la santé de l’enfant, de la mère et de la famille entière.

    Pour ce faire, Alim’Mater a réuni des professionnels de santé de la maternité et de la nutrition afin de co-construire le programme de prévention, 9 mois à croquer, en s’appuyant sur les besoins exprimés des femmes enceintes. Il vise à sensibiliser les futures mamans aux bienfaits de l’alimentation saine et durable et à les accompagner progressivement dans la mise en place de changements dans leur alimentation en prenant en compte leurs habitudes, leurs contraintes de temps et de budget. 9 mois à croquer s’appuie sur l’utilisation d’outils digitaux pour aller vers CHAQUE future maman sans augmenter la fréquence de ses rendez-vous médicaux. En appliquant le principe d’universalisme proportionné, le programme est gratuit et accessible à toutes, tout en ciblant plus spécifiquement les plus précaires.

    9 mois à croquer comprend, un atelier animé par une diététicienne et/ou une sage-femme abordant l’alimentation saine et durable de manière ludique, et une application mobile permettant aux futures mamans d’avoir accès à des conseils alimentaires personnalisés, à des recettes, et à des astuces. Les conseils sont proposés progressivement afin de permettre à chacune de les intégrer à son alimentation, sans être submergée d’informations.

    Après une première phase pilote en région PACA, le programme se déploiera à partir de 2024.

    La prévention pour l’alimentation ne doit pas être négligée pendant la grossesse et le post-partum. A l’échelle de la famille, elle contribue à une meilleure santé globale. A l’échelle de la population, elle constitue également une économie pour le système de soins. A court terme, chaque euro investi permettrait une économie en matière de soins pendant la grossesse et à l’accouchement de 4,75 euros19. En connaissant les effets bénéfiques sur la santé à long terme, les économies seraient encore plus conséquentes.

    Ensemble, faisons de l’alimentation des futures mamans un levier pour leur santé et celle de leurs enfants, et non une source de culpabilité…

    1. King, J. C. Physiology of pregnancy and nutrient metabolism. Am. J. Clin. Nutr. 71, 1218S–25S (2000).

    2. Blumfield, M. L., Hure, A. J., Macdonald-Wicks, L., Smith, R. & Collins, C. E. Systematic review and meta-analysis of energy and macronutrient intakes during pregnancy in developed countries. Nutr. Rev. 70, 322–336 (2012).

    3. Blumfield, M. L., Hure, A. J., Macdonald-Wicks, L., Smith, R. & Collins, C. E. A systematic review and meta-analysis of micronutrient intakes during pregnancy in developed countries. Nutr. Rev. 71, 118–132 (2013).

    4. Bianchi, C. M. Élaboration et évaluation d’une méthode de conseils alimentaires personnalisés et pas-à-pas visant à améliorer l’adéquation nutritionnelle des régimes de femmes enceintes en France. (Université Paris-Saclay (ComUE), 2017).

    5. Bernard, J. Y. et al. The dietary n6:n3 fatty acid ratio during pregnancy is inversely associated with child neurodevelopment in the EDEN mother-child cohort. J. Nutr. 143, 1481–1488 (2013).

    6. Pouchieu, C. et al. Socioeconomic, Lifestyle and Dietary Factors Associated with Dietary Supplement Use during Pregnancy. PLoS ONE 8, e70733 (2013).

    7. Bianchi, C. M. et al. Computer-based tailored dietary counselling improves the nutrient adequacy of the diet of French pregnant women: a randomised controlled trial. Br. J. Nutr. 123, 220–231 (2020).

    8. Barker, D. J. P. The developmental origins of adult disease. Eur. J. Epidemiol. 18, 733–736 (2003).

    9. Marshall, N. E. et al. The importance of nutrition in pregnancy and lactation: lifelong consequences. Am. J. Obstet. Gynecol. 226, 607–632 (2022).

    10. Enderle, I. et al. Prenatal exposure to pesticides and risk of preeclampsia among pregnant women: Results from the ELFE cohort. Environ. Res. 197, 111048 (2021).

    11. Blaauwendraad, S. M. et al. Fetal Organophosphate Pesticide Exposure and Child Adiposity Measures at 10 Years of Age in the General Dutch Population. Environ. Health Perspect. 131, 87014 (2023).

    12. INSERM. Enquête Nationale Périnatale – Rapport 2021. https://www.xn--epop-inserm-ebb.fr/wp-content/uploads/2022/10/ENP2021_Rapport_Octobre2022.pdf (2022).

    13. Odoxa, Ligue contre l’Obésité, Sciences Po – Chaire Santé, & Obépi-Roche. Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité pour la Ligue contre l’Obésité. https://csohn.chu-rouen.fr/wp-content/uploads/sites/44/2021/09/Resultats-Obepi-Roche-2020-enque%CC%82te-e%CC%81pide%CC%81miologique-sur-le-surpoids-et-lobe%CC%81site.pdf (2021).

    14. Darmon, N. Inégalités sociales de santé et nutrition. in L’Alimentation à découvert np (CNRS Editions, 2015).

    15. Camier, A. et al. Social Inequalities in Prenatal Folic Acid Supplementation: Results from the ELFE Cohort. Nutrients 11, 1108 (2019).

    16. Kadawathagedara, M. et al. Diet during pregnancy: Influence of social characteristics and migration in the ELFE cohort. Matern. Child. Nutr. 17, e13140 (2021).

    17. Bianchi, C. M. et al. Concerns, attitudes, beliefs and information seeking practices with respect to nutrition-related issues: a qualitative study in French pregnant women. BMC Pregnancy Childbirth 16, 306 (2016).

    18. Muktabhant, B., Lawrie, T. A., Lumbiganon, P. & Laopaiboon, M. Diet or exercise, or both, for preventing excessive weight gain in pregnancy. Cochrane Database Syst. Rev. CD007145 (2015) doi:10.1002/14651858.CD007145.pub3.

    19. Lloyd, M., Teede, H., Bailey, C., Callander, E. & Ademi, Z. Projected Return on Investment From Implementation of a Lifestyle Intervention to Reduce Adverse Pregnancy Outcomes. JAMA Netw. Open 5, e2230683 (2022).

    Pour aller encore plus loin :

    https://www.alim-mater.fr/

    Nous soutenir

    https://prevoyance-anpf.com/

    *ANPF : Association Nationale de Prévoyance Familiale qui a, en plus de 30 ans, accompagné des personnes dans la gestion de leur complémentaire santé. L’ANPF fonde l’ASI en 2020 pour accroître son engagement social et sociétal.