Burn-out :
comment dépasser le « mal du siècle » ?
Le « burn-out » : quèsaco ?
Traduit en français par “syndrome d’épuisement professionnel”, le burn-out est défini comme un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel(1). Ce processus se termine par une dégradation de la santé physique et mentale, jusqu’à l’épuisement total de l’individu.
Les symptômes varient selon les cas, les principaux étant : une fatigue générale, de l’anxiété, des troubles du sommeil, de l’irritabilité, une perte de confiance en soi, un manque d’enthousiasme en entreprise et dans la vie personnelle, un isolement, des troubles de l’alimentation et de l’humeur, la prise de médicament, d’alcool ou de drogues, etc.
Introduit dans les années 1960/1970, il est aujourd’hui perçu comme le “mal du siècle”, notamment en raison de son augmentation préoccupante. En effet, une étude réalisée en 2022 par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine a relevé que 34% de salariés seraient dans cet état dont 13% de façon sévère(2).
L’action collective et individuelle contre le « burn-out »
Un repérage extérieur d’un état d’épuisement d’un travailleur permet l’accélération de la prise en charge voir l’anticipation du burn-out.
S’agissant des salariés, c’est l’une des missions de l’équipe de santé au travail, coordonnée par la médecine du travail, qui veille à leur bien-être. Cette question est aujourd’hui un point clé dans l’organisation des entreprises, en particulier depuis la publication d’études démontrant le lien entre la santé des salariés et la productivité de l’entreprise. Pour exemple, l’Université de Warwick au Royaume-Uni a estimé en 2014 que la productivité d’un salarié heureux dans son entreprise augmenterait de 12%.
Les services des ressources humaines sont également de plus en plus sensibilisés à la question et peuvent opérer des changements afin d’assurer une meilleure organisation des temps de travail, une nouvelle disposition du matériel et des lieux ainsi que la révision des modèles de management. Ce peut être, par exemple, en adoptant les missions participatives ou en modulant les conditions du télétravail en favorisant des temps de rencontre/de teambuilding.
La prise de conscience d’un état d’épuisement lié au travail peut venir du salarié lui-même, aidé ou non de son médecin traitant ou du médecin du travail. Ces derniers peuvent prescrire la réalisation d’un bilan somatique et psychologique afin d’avancer vers la première démarche de rétablissement : établir un état des lieux et prendre en considération cette situation.
Les entrepreneurs sont aussi fortement touchés par le burn-out en raison des enjeux de leur activité : c’est une population à risque qui doit être vigilante à bien développer son réseau d’entraide.
Quelque soit le travailleur, si les techniques de précaution personnelle (activités extérieures, alimentation, médecine douce, etc) sinon organisationnelles ne sont pas envisageables sinon suffisantes pour « compenser » les diverses pressions, une thérapie peut être préconisée selon les symptômes et conséquences ressenties. Cela peut permettre d’éviter d’entrer dans une potentielle crise d’anxiété, identitaire et parfois d’isolement.
Une étape importante du renforcement sinon reconstruction est la clarification des objectifs professionnels et la remise en question de l’organisation au travail. On recommande parfois aux salariés ou entrepreneurs pluriactifs d’utiliser la méthode de listes adaptées de tâches à réaliser, de programmer des objectifs précis et surtout réalisables ; également d’apprendre à reconnaître les situations anxiogènes ou irréalisables. Enfin, la mise en place de techniques de détente et de relaxation au quotidien est un réel atout pour envisager une reprise de l’activité.
D’ailleurs, pour les salariés, un accompagnement du retour au travail est recommandé, avec l’aide de la médecine du travail, de l’employeur, des instances de représentation du personnel et du salarié, mais aussi du tissu associatif.
La pandémie COVID-19 et les confinements y associés ont remis en perspective les relations entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Cette configuration inédite dans l’histoire de nos sociétés contemporaines à haute intégration technologique a mis en lumière un certain besoin de repenser son rapport aux temps de vie et donc le rythme de travail. Identifier la « work/life balance » afin de trouver un équilibre entre les phases de vie professionnelle/ personnelle/ familiale/ sociale. Les travailleurs ont particulièrement mesuré l’importance de leur bien-être physique et mental et de leurs priorités.
Un rapport de l’entreprise EPOS(3) au sujet de l’avenir du travail et des tendances émergentes, relève que moins de 43% des travailleurs sont satisfaits de leurs conditions de travail et que 30% souhaitent changer de carrière pour améliorer leur bonheur général.
Ce n’est qu’une étude parmi d’autres qui soulignent la recherche actuelle d’équilibre.
Et le droit dans tout ça ?
Si l’on s’intéresse ici exclusivement aux salariés, le droit du travail assure une protection via l’obligation générale de sécurité (L 4121-1 du Code du travail) qui pèse sur l’employeur. Cette obligation implique la protection de la santé physique et mentale des salariés par l’accomplissement d’un certain nombre d’obligations énumérées par l’article L 4121-2 du Code du travail, reposant surs trois principes : organiser des actions de prévention des risques professionnels, informer et former à la santé au travail et enfin mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Un bon dialogue social est largement préconisé, particulièrement avec les services de prévention et santé au travail (obligatoirement mis en place par l’employeur), avec le Comité social et économique ou la Commission santé sécurité et conditions de travail.
Malgré l’augmentation préoccupante du nombre de cas, l’épuisement professionnel n’est toujours pas officiellement reconnu en tant que tel comme une maladie professionnelle par l’assurance maladie (proposition de loi en 2018 rejetée).
Aujourd’hui il reste donc englobé dans l’ensemble des risques psychosociaux (RPS) causés par les conditions d’emploi et l’organisation du travail, ayant des conséquences sur la santé physique et mentale des salariés. Schématiquement, il serait la conséquence ultime des RPS.
Il suppose donc, comme tout autre RPS, la démonstration apportée par le salarié d’un lien de causalité direct entre la pathologie et le travail du salarié ainsi que l’existence d’une incapacité au travail d’au moins 25%. On ne peut qu’espérer une évolution de la législation française sur ce point. Dans cette attente, les mécanismes de solidarité intergénérationnelle et inter-organisationnelle (notamment avec le canal associatif) doivent se mettre en place. Ils permettront de développer de véritables réseaux d’entraide afin de prévenir toutes situations de burn out puis d’accompagner lorsqu’un tel mal s’est installé. La fragilité est parfois là où on ne l’attend pas : une vigilance collective est requise, elle repose sur notre empathie.
En définitive,
Le burn-out est actuellement au cœur des débats en entreprise en raison de son développement et de ses coûts induits pour la société. Les récentes découvertes portant sur la corrélation entre le bonheur au travail et la productivité, notamment avec des recherches approfondies en neurosciences, alimentent le débat et peuvent permettre de dessiner des solutions (par exemple, des cultures managériales nouvelles, des techniques de distanciation avec les technologies). Accompagner cette transition technologique en accélération (internet, digitalisation des relations, IA, etc.) et son acceptabilité par nos corps et esprits humains est l’un des défis de la décennie à venir.
Il faudra du temps pour que toutes les entreprises intègrent ces critères (on parle de RSE de plus en plus – quels effets en pratique pour le quotidien des concernés?) quasi “naturellement”, mais également pour que la législation accompagne au mieux les plus fragilisés.
Avant cela, nous avons tous les moyens pour travailler des réseaux d’entraide afin de soutenir ces professionnels et leur permettre de dépasser leurs horizons professionnels pour deviser au-delà.
1. Schaufeli WB and Greenglass ER. Introduction to special issue on burnout and health. Psychol Health 2001 ;16(5):501-10
2. Chiffres relevés par la fondation pour la recherche médicale, à consulter pour plus d’informations sur https://www.frm.org/recherches-maladies-neurologiques/burn-out/focus-burn-out
3. https://www.eposaudio.com/contentassets/5e2bf080914f4b359a7ff4ed744fa324/epos-the-workplace-of-the-future.pdf
Pour aller encore plus loin :
https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Exe_Burnout_21-05-2015_version_internet.pdf
*ANPF : Association Nationale de Prévoyance Familiale qui a, en plus de 30 ans, accompagné des personnes dans la gestion de leur complémentaire santé. L’ANPF fonde l’ASI en 2020 pour accroître son engagement social et sociétal.