Hypnose et cancer

L’hypnose dans son contexte historique

De Messmer à Erikson, l’hypnose est aujourd’hui de plus en plus présente dans notre vie.

L’hypnose existe depuis l’aube de l’humanité à chaque extrémité du globe : de la Grèce antique jusqu’à son utilisation par des Druides ou des maîtres indous faisant appel à des techniques verbales et non verbales.

Au 18ème siècle elle fut étudiée par J.M Charcot, H. Bernheim notamment pour traiter des atteintes psychiques comme celle que l’on qualifiait à l’époque d’ « hystérie »

L’ère de l’hypnose contemporaine débuta avec Milton Erickson, comme un outil donné à la personne pour potentialiser les ressources positives présentes dans son inconscient. Il dit « c’est un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet une communication avec une compréhension et des idées, afin de lui permettre d’utiliser cette compréhension et ces idées à l’intérieur de son propre répertoire d’apprentissage1 ».

Au 20ème siècle F.Roustang définit l’hypnose comme « un état de vieille paradoxal, un phénomène naturel et actif où il y a une augmentation du contrôle de soi et non une perte2 ».

L’hypnose en pratique 

L’hypnose se situe entre la raison scientifique et l’imagination artistique.

Elle trouve sa place pleinement dans ce que l’on appelle la relation thérapeutique, que l’on décrit aussi comme une alliance thérapeutique au cours de laquelle le thérapeute est investi totalement dans la relation et vit intensément la situation de thérapie.

« …la relation thérapeutique se construit sur un terrain riche d’observations. Elle s’établit à partir d’un objectif implicite ou clairement posé qui fait entrer dans une coopération : nous allons ensemble dans la même direction[…..] En effet, nous sommes sans rivalité, dans un climat relationnel qui autorise la confiance dans ses propres compétences. Compétences du patient et compétences du thérapeute »3.

L’hypnose est une technique naturelle et spontanée.

On ne doit pas confondre l’hypnose médicale et l’hypnose de spectacle : l’une est pratiquée par des professionnels de santé et l’autre est pratiquée par un hypnotiseur. Il faut aussi distinguer les hypnothérapeutes qui pratiquent l’hypnothérapie, à visée curative comme outil pour surmonter une addiction ou dans le cadre d’une cure psychanalytique par exemple.

Cet outil a une vraie densité scientifique, ce n’est pas une croyance et il y a aujourd’hui des études qui montrent son effectivité.

Cette aptitude naturelle de « rêverie » et de relaxation, nous la connaissons déjà et elle se produit régulièrement dans notre quotidien. Par exemple lorsque nous conduisons et que nous arrivons à notre lieu de travail sans nous rendre compte du trajet que nous avons emprunté.

De même, les enfants se mettent très spontanément en hypnose lorsqu’on les voit rêvasser en se disant qu’ils sont ailleurs.

Cette technique est maintenant rentrée dans les blocs opératoires pour diminuer les doses d’anesthésiants ou encore dans les cabinets dentaires. Le professionnel de santé va créer une alliance thérapeutique avec son patient en toute bienveillance contrairement à l’hypnose de spectacle où l’hypnotiseur impose sa volonté.

Il existe une hypnose conversationnelle où le thérapeute adapte son discours et son attitude pour amener son patient à un état de réceptivité et de collaboration positive, et une hypnose dite plus formelle, qui correspond à un outil qui amène le patient en transe pour recruter ses ressources internes.

Le thérapeute permet de créer les conditions pour rentrer dans cet état naturel de dissociation sans donner d’ordre mais en passant par des suggestions. Pour arriver à cet état modifié de conscience, il va tout d’abord pratiquer une induction sur son patient grâce aux différents canaux sensoriels : visuel, auditif, kinesthésique (sensations du corps), olfactif, et gustatif (VAKOG), et /ou au travers d’une focalisation sur un point fixe ou sur la respiration par exemple.

L’induction va donc être pratiquée au travers de la parole du thérapeute qui est lente et très calme, associée à une posture où la communication non verbale va avoir une grande importance : une respiration accordée à celle du patient, ou une position des mains en miroir par rapport à celle du patient…

Lorsque le patient est dissocié par rapport au monde extérieur ou par rapport à une partie de son corps il est focalisé sur ses stimuli internes et peut s’ouvrir à ses propres ressources personnelles afin d’amorcer un changement. Il est alors en capacité de prendre du recul par rapport à ses problèmes pour mieux les visualiser et mieux les dépasser grâce à l’émergence d’images, d’expressions et de solutions.

L’hypnose permet ainsi de surpasser certaines angoisses, des dépendances comme le tabac ou encore de dissocier une partie douloureuse par rapport à l’ensemble de son corps. Tout en étant guidé par le thérapeute le patient est donc conscient pendant sa séance et garde des souvenirs, mais a accès à des parties de son inconscient qui n’arrivent pas à s’exprimer. Il peut sortir de la séance d’hypnose quand il le souhaite. En revanche, les repères spatio-temporels sont en distorsion et le tonus musculaire est modifié ainsi que le jugement et la perception.

Un ancrage et une suggestion post hypnotique vont être proposés pendant la transe afin que le patient puisse retrouver cet état (par exemple de bien être), suite à la séance.

Et pour finir la séance d’hypnose le patient est ramené « ici et maintenant » par réassociation et retrouve donc un état de conscience et de sensorialité ordinaire.

Le thérapeute va fréquemment proposer au patient d’acquérir la possibilité d’intégrer dans son arsenal thérapeutique l’autohypnose afin d’être autonome et lui permettre de retrouver seul et rapidement un état de dissociation maîtrisé.

En conclusion de ce chapitre d’ouverture à l’hypnose, on admet couramment aujourd’hui qu’un rapprochement entre l’hypnose et les techniques cognitivo-comportementales (TCC) est possible et même indispensable dans une démarche thérapeutique et d’accompagnement des patients :

« Aussi, il est assez compréhensible de voir actuellement un rapproché assez net entre l’hypnose ericksonienne et les pratiques cognitivo-comportementales, dont le but est souvent la mise en place de protocoles très cadrés afin de prendre en charge tel ou tel trouble, par exemple une phobie dentaire. Ces pratiques axent beaucoup autour de la dynamique entre croyances, émotions et comportement. Ces ingrédients se retrouvant également impliquées dans les thérapies par hypnose, une alliance est possible »4.

Et le cerveau dans tout ça ?

Grâce à l’IRM, on a pu remarquer que durant l’état hypnotique l’activité cérébrale est modifiée. L’équipe de recherche de Marie-Elisabeth Faymonville a comparé le débit sanguin de structures cérébrales chez des patients amenés à se souvenir d’un moment particulier à l’état d’éveil puis sous hypnose. L’activité cérébrale est plus élevée sous hypnose notamment au niveau des régions pariétales, le siège de la vue et des régions occipitales 5. Cela signifie qu’ils vivent la situation en la voyant et la ressentant vraiment. Les circuits qui s’activent sont les mêmes que ceux de l’action. Il y a un écho du réel de l’action sans l’avoir réalisée physiquement. Ils ont donc l’impression de revivre cette expérience.

L’activation du cortex cingulaire antérieur diminue et entraine une perte de contact avec tout ce qui n’est pas au centre de l’attention et donc le monde extérieur. 

De plus, d’autres structures telles que le cortex préfrontal dorsolatéral et le cortex cingulaire postérieur ont une activité réduite. Cela implique un détachement vis-à-vis de soi-même et de ses propres actions. En revanche, les connexions entre l’insula (sensations corporelles intérieures) et le cortex préfrontal dorsolatéral (contrôle exécutif) s’accroissent et ainsi on s’aperçoit que l’attention se porte sur les sensations internes et les émotions.

Ainsi « ces changements dans l’activité neurale sous-tendent une attention focalisée, un contrôle somatique et émotionnel amélioré et une moindre conscience de soi, qui sont caractéristiques à l’hypnose »6.

L’hypnose est loin d’être de la magie. Cet outil permet donc aux professionnels de santé de compléter leur pratique tout en restant dans leurs champs de compétences et en adéquation avec leur capacité d’expertise.

Le projet HYPNO-AJA : l’accès à l’hypnose pour les adolescents et jeunes adultes

Maryne Durieupeyroux, infirmière à l’institut Bergonié de Bordeaux, l’utilise notamment auprès d’adolescents atteints de sarcomes des tissus mous et osseux, afin de diminuer leur anxiété et la douleur.

Par sa persévérance, elle introduit dans sa pratique l’outil de l’hypnose après avoir obtenu un Diplôme Universitaire d’Hypnose médicale à l’université de Bordeaux. Elle se rends compte petit à petit de l’amélioration des soins et la capacité des patients à faire appel à leurs ressources naturelles pour améliorer leur qualité de vie. Elle souhaite l’introduire au sein de l’institut Bergonié. Mais pour que cet outil soit accessible au plus grand nombre, il doit faire ses preuves. Malgré sa conviction du grand bénéfice de l’hypnose pour ses patients il lui est difficile de mener de front son métier d’infirmière tout en accompagnant efficacement les patients afin de faire la preuve de l’intérêt pour eux de la mise en place de cette technique.

C’est ainsi que Maryne développe le projet hypno AJA, en tant que responsable : elle souhaite permettre aux patients d’accéder à l’hypnose pour diminuer leurs souffrances physiques et psychiques.

Grâce à son investissement, elle démontre que l’hypnose aide à faire appel aux ressources du patient notamment dans la gestion des douleurs, de différents effets secondaires de la chimiothérapie tels que l’anxiété, la perception corporelle, les nausées, l’acceptation… Elle leur fait également acquérir une autonomie dans cette mobilisation de leurs propres ressources grâce à l’autohypnose ; ainsi cet outil leur est accessible à tout moment, dans n’importe quelles circonstances. Elle aide également les équipes soignantes à mieux appréhender l’accompagnement des familles et des patients dans l’épreuve de la maladie.

Aujourd’hui, l’hypnose est un outil qui a fait ses preuves mais il faut continuer à promouvoir et entreprendre au quotidien son utilisation pour qu’elle soit présente dans les services de soins.

Il est donc indispensable d’élargir cette pratique afin qu’elle soit accessible aux patients pour une meilleure qualité de vie, tout en étant accompagnés par des équipes soignantes formées.

Dans l’idéal, l’hypnose devrait devenir un soin de support à part entière, utilisé en complément des différents traitements médicaux.

Le patient a accès aux soins et c’est grâce à la mobilisation de financements complémentaires que des projets peuvent voir le jour.

Elle pourra ainsi non seulement disposer de temps pour collecter tous les résultats afin de faire la preuve du bénéfice apporté par l’hypnose aux patients et donc qu’elle a entièrement sa place au sein d’un grand nombre de services médicaux.

En conclusion à cet article, on peut citer Yann Duc, psychomotricien qui a intégré l’hypnose à sa pratique professionnelle auprès d’enfants et d’adolescents :

« Avec l’intégration de l’hypnose à ma pratique, je suis désormais convaincu d’avoir une réelle efficacité face à la douleur. C’est également un allié précieux à transmettre à des parents démunis, pour qu’eux aussi deviennent acteurs du soin de leur enfant »7.

1. Brandler R., Grinder J. Patterns of the hypnotic techniques of Milton H. Erickson, Vol 1 , Cuppertino Publications, 1975

2. Roustang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Les éditions de minuit. 1994

3. (Marc Picard Destelan et Liliana Fodorean : « La relation thérapeutique » Revue Hypnose et thérapies brèves. Hors-série N°11.Mars 2017. Editions Métawalk)

4. Antoine Bioy, Institut Français d’Hypnose : https://www.hypnose.fr/hypnose/corants-hypnose-thérapeutique/hypnose-tcc/

5. Comment l’hypnose agit sur notre cerveau, Faymonville M.E., MaquetP ., Laureys S., Rev. La recherche, 2005

6. Brain activity and Functional connectivity associated with Hypnosis, H.Jiang, M.P. White and D. Spiegel, Cerebral Cortex, 2016

7. De la capacité de l’hypnose à adoucir les traces laissées par la douleur. Yann Duc. TRaNSES, la revue de l’hypnose et de la santé. Janvier 2020-Volume 10-p.132-143. Dunod Éditions

Pour aller encore plus loin :

https://fondsdedotationasi.com/nous-soutenir/

https://prevoyance-anpf.com/

*ANPF : Association Nationale de Prévoyance Familiale qui a, en plus de 30 ans, accompagné des personnes dans la gestion de leur complémentaire santé. L’ANPF fonde l’ASI en 2020 pour accroître son engagement social et sociétal.