ART THÉRAPIE : REMÈDE DOUX OU EXUTOIRE ?

Éléments de réponse autour de la pratique théâtrale

Selon l’IRFAT (Institut de Recherche et de Formation en Art-Thérapie), l’art-thérapie se définit comme l’utilisation psychothérapeutique de la pratique artistique dans le cadre d’un processus défini par un art-thérapeute. L’art devient un moyen d’apaisement et d’expression, visant à améliorer les tensions psychiques et les difficultés. Divers procédés artistiques, tels que le dessin, la peinture, la danse, le théâtre, la sculpture ou la musique sont aujourd’hui utilisés à cette fin. Bien que l’art-thérapie soit aujourd’hui reconnue en France, il subsiste certains préjugés et doutes quant à son efficacité thérapeutique, souvent perçue comme un simple exutoire.

Nous avons contacté une art-thérapeute spécialisée dans la pratique théâtrale pour explorer comment l’art-thérapie peut devenir un remède doux dans le traitement de certains maux. Educatrice spécialisée désormais reconvertie, Aurélie Josserand a accepté de répondre à nos questions. Bonne lecture !

Madame Josserand, d’abord éducatrice spécialisée, vous avez décidé de vous former et d’exercer en tant qu’art-thérapeute avec une spécialité théâtre. Pourquoi un tel choix ?L’hypnose en pratique 

En tant qu’éducatrice spécialisée, mon rôle était principalement axé sur la rééducation, une éducation « pure » qui négligeait la sphère psychologique. Je voulais en savoir davantage sur l’histoire de la personne, voir son cheminement. Et parmi les divers médias d’art-thérapie, j’ai choisi le théâtre. En explorant sa créativité et sa spontanéité, le théâtre permet de se détacher de soi,  d’essayer des choses et de se rendre compte de son potentiel de transformation. L’objectif est de renouer avec soi pour dépasser la difficulté.

Est-ce que l’art thérapie, via le théâtre, est accessible à tous ?

Oui, dès lors que la personne souhaite essayer. Si la personne est contrainte, le résultat est inévitablement biaisé. Il est nécessaire que le patient soit partie prenante et volontaire. Comme toute forme de thérapie, elle nécessite un engagement dans le processus de guérison et une ouverture d’esprit. Il est également important de rappeler qu’elle ne s’adresse pas qu’aux adultes, bien au contraire. Les enfants y réagissent très favorablement, le jeu étant stimulant pour eux. Il m’arrive même d’organiser des séances impliquant les parents ou la fratrie. Et les effets sont notables : par le jeu, il est possible de communiquer, de libérer de potentielles émotions et au final, de travailler en profondeur sur les relations. 

Existe-t-il des profils plus adaptés à du théâtre thérapeutique ?

Comme mentionné précédemment, les ateliers sont accessibles à tous pourvu qu’il y ait une volonté d’essayer. Néanmoins j’ai remarqué que le théâtre était particulièrement bénéfique pour les personnes souffrant de pathologies corporelles. Les exercices proposés sollicitent la mobilisation du corps et la création à travers lui. 

L’art-thérapie en théâtre est également bénéfique en santé mentale, notamment pour la dépression en permettant de travailler la confiance en soi, l’estime de soi et la relation aux autres, des points sensibles dans cette pathologie. Dans le cas de dépendances, il permet de remettre en question la nécessité de l’objet de dépendance qui n’est plus utile pour agir, s’amuser ou créer. La personne prend conscience qu’elle a des ressources en elle. 

Enfin, les adolescents et les enfants peuvent également bénéficier des ateliers, traversant parfois des phases difficiles, dont la crise identitaire. Le théâtre permet de renouer avec eux-même et  de se rassurer. 

En art thérapie, finalement, tout est possible ! . »

En deux mots, quels sont les bénéfices du théâtre en art-thérapie ?

Le théâtre en art-thérapie offre une ouverture tant d’esprit que de corps. Il favorise l’acquisition de confiance en soi, l’amélioration de la posture, la créativité, la spontanéité, l’audace et le travail de groupe.

Que répondez-vous à ceux qui voient l’art thérapie comme un simple exutoire ?

Pour moi, il y a une différence importante à faire entre médiation artistique et art-thérapie. On a d’un côté la médiation artistique qui est une activité ludique, permettant de créer, se libérer et se décharger ponctuellement. De l’autre côté, on a l’art thérapie, qui elle est encadrée par un thérapeute et pensée de manière régulière sur du long terme. La différence se situe essentiellement sur l’aspect temporel. Par exemple, on peut recommander des cycles hebdomadaires sur une durée minimale de 6 ou 7 séances avec des patients hospitalisés. Cela permet de travailler régulièrement sur des points précis et de cheminer avec eux dans le processus thérapeutique. 

L’Art-thérapie peut-elle se suffire à elle-même ?

Oui et non. Son efficacité en tant que pratique autonome dépend du point, de la difficulté ou du trouble à traiter. Pour des préoccupations ponctuelles, certaines personnes peuvent atteindre leurs objectifs en quelques séances tout en continuant de travailler et de vivre leur quotidien. En revanche, dans des cas de traumatismes, de troubles psychologiques ou d’hospitalisations, l’art-thérapie s’insère dans un environnement global de soins et dans un projet médical plus étendu. En somme, son autonomie  dépend donc du contexte spécifique à chaque situation et individu. 

Quel impact mesurez-vous dans la vie de vos patients ?

Pour des personnes encore insérées dans la vie active, je n’ai pas vu de grandes avancées n’étant pas dans le quotidien des personnes. Cependant,  les bénéfices des séances me sont régulièrement rapportés, car les exercices sont réutilisables et transposables à différentes situations du quotidien. Il est important de rappeler que, comme toute thérapie, les effets ne sont  pas immédiats, mais plutôt continus et à poursuivre dans le temps.

Alors quel bilan ?

L’art est incontestablement utile à des fins thérapeutiques. Véritable exutoire via la médiation artistique, il n’en demeure pas moins qu’il puisse être une solution, un remède doux aux difficultés rencontrées. C’est une ressource supplémentaire non négligeable dans le traitement de troubles psychopathologiques, qui peut plus ou moins se suffire à lui-même selon le contexte pathologique du patient. 

Témoignage d’un patient anonyme :

« Je ne suis pas du tout manuelle et je n’ai pas particulièrement développé de compétences artistiques dans ma jeunesse. J’ai découvert l’art thérapie sous diverses formes. D’abord via le dessin/peinture j’ai ensuite essayé par le théâtre. De prime abord sceptique notamment à l’égard du dessin, j’ai en réalité, au fur et à mesure des séances, traité différents points dans le cadre de ma thérapie. La régularité des séances m’a permis de mettre des mots sur des maux.. Par le théâtre, j’ai travaillé la confiance, l’affirmation. Je pense que l’art thérapie va plus loin qu’un exutoire. Ce n’est pas comme une bonne séance de sport qui décharge. C’est un travail profond et je suis ravie d’avoir découvert cela. »

Témoignage d’un patient restant sous anonymat, hospitalisé pour différents troubles psychiques tels que la dépression et le trouble des conduites alimentaires.

Pour aller encore plus loin :

Pour plus d’informations : 

 

https://fondsdedotationasi.com/nous-soutenir/

https://prevoyance-anpf.com/

*ANPF : Association Nationale de Prévoyance Familiale qui a, en plus de 30 ans, accompagné des personnes dans la gestion de leur complémentaire santé. L’ANPF fonde l’ASI en 2020 pour accroître son engagement social et sociétal.