À travers son entreprise Petite Mu, Alice Devès agit pour rendre visible ce qui ne se voit pas : les handicaps invisibles. Vulgarisation, sensibilisation en entreprise, création de contenu, festival… Cette entrepreneuse engagée a fait de l’information son outil de prédilection pour favoriser une société plus inclusive.
Alice, qu’est-ce qu’un handicap invisible ? Pouvez-vous nous donner quelques chiffres pour mieux cerner ce sujet ?
Un handicap invisible est une limitation durable des capacités d’une personne qui n’est pas immédiatement perceptible par l’entourage. Cela peut concerner des troubles sensoriels, cognitifs, psychiques, ou des maladies chroniques comme le diabète, la fibromyalgie ou l’autisme. Environ 80 % des handicaps reconnus en France sont invisibles, soit plus de 9 millions de personnes. Ces handicaps sont souvent mal compris ou minimisés, ce qui engendre des difficultés sociales et professionnelles importantes pour les personnes concernées.
Qu’est-ce qui vous a poussée à créer Petite Mu ?
Je suis moi-même porteuse d’une maladie auto-immune. J’ai rencontré Anaëlle, aujourd’hui mon associée, lors d’une colocation. Elle souffre de troubles psychiques. Nous étions toutes les deux en quête de ressources, d’informations, d’identification, mais sans succès dans les médias. Alors nous avons décidé de créer une entreprise avec une dynamique d’information large, pédagogique et multicanal, à destination des personnes concernées, mais aussi de leurs proches aidants.
Comment s’est développée l’entreprise depuis sa création ?
Petite Mu a deux ans d’existence. Dès le début, nous avons combiné nos compétences pour développer différents formats : podcasts, bandes dessinées, vidéos sur YouTube… Le cœur de notre activité a longtemps été sur Instagram. Depuis un an, nous avons recentré notre action autour de la question du travail et de l’entreprise. Nous souhaitions visibiliser les stratégies de surcompensation déployées par les personnes concernées, et proposer aux entreprises des outils pour adapter leur management.
C’est ainsi que nous avons développé des formats spécifiques d’intervention et de sensibilisation en entreprise. À ce jour, nous avons accompagné environ 200 structures, dont 60 % de grands groupes. Cette activité représente la majorité de notre chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous souhaitons développer de nouveaux partenariats avec les médias pour élargir notre impact.
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
Nous faisons actuellement partie d’un incubateur à l’ESSEC, ce qui nous aide à structurer notre vision à moyen terme. Nos ambitions ? Faire passer notre communauté de 150 000 membres à 1 million, gagner en qualité de contenus, affirmer notre professionnalisme et mieux mesurer notre impact.
Nous souhaitons aussi doubler le nombre d’entreprises accompagnées, tout en devenant un acteur de référence dans l’intermédiation entre les personnes en situation de handicap invisible et les entreprises désireuses de les intégrer.
Enfin, nous restons fidèles à notre mission première : vulgariser, faire connaître, faire comprendre que 80 % des handicaps ne se voient pas.
Quelle est votre plus grande fierté depuis le début de l’aventure ?
Sans hésiter, l’organisation du tout premier festival dédié aux handicaps invisibles, le 31 mai 2024 à Ground Control, à Paris. Nous y avons rassemblé un public large autour de concerts, de stand-up, d’interventions de professionnels de santé, de témoignages, de sportifs… Beaucoup de personnes concernées, mais aussi d’autres qui ne l’étaient pas directement, ont répondu présentes. Cela a incarné notre ambition d’inclusion. Nous comptons bien renouveler l’événement, même si ce n’est pas notre cœur de métier.
Votre engagement entrepreneurial vous donne-t-il envie d’explorer d’autres horizons professionnels ?
Oui ! Mon activité m’a permis de rencontrer énormément de monde, de découvrir des univers. J’ai toujours été attirée par le journalisme, et aujourd’hui je me vois bien développer une activité dans ce domaine, en me spécialisant sur les sujets liés au handicap. L’enquête de terrain, la transmission, la pédagogie… tout cela me parle.
Quel conseil aimeriez-vous transmettre à votre communauté ?
Je m’adresse ici à toutes les personnes porteuses de handicap invisible, ou non d’ailleurs, pour leur dire : n’ayez pas honte, et parlez-en. Bien sûr, il faut un temps d’acceptation, qui peut être long. Mais une fois ce chemin parcouru, il est important de ne pas rester seul·e.
Notre communauté va bien au-delà des personnes concernées. Elle se compose aussi de celles et ceux qui, par leur attitude ou leurs actions, participent à une société plus inclusive.
Un mot qui vous déplaît ?
Pitié. Ce mot renvoie à une forme de passivité, de fatalisme, qui est à l’opposé de la dynamique d’« être ensemble » que je veux promouvoir.
Un mot qui vous plaît ?
Résilience. C’est un mot puissant, parce qu’il est traversé par l’idée de transformation. Et il rime avec puissance, ce qui me parle beaucoup.
Une image qui vous inspire ?
L’océan. Peut-être parce que j’ai besoin de vacances ! (rires) Mais plus sérieusement, l’horizon marin, c’est une image qui m’apaise, qui me donne de l’élan. C’est une source d’inspiration.
Bonjour
Grace a l ‘A.S.I je viens de découvrir avec enthousiasme votre entreprise . Bravo ! Je suis porteuse d’ un handicap invisible suite à une lésion cérébrale et je suis à la recherche d’un nouvel emploi . Je me heurte maintenant aux freins liés à mon handicap dans le milieu professionnel et me rend compte qu’ il y a encore beaucoup de travail d informations à faire auprès des entreprises ! Grace à des initiatives comme les vôtres j espère que le monde de l’entreprise progressera dans les prochaines années sur le handicap et encore plus sur celui qui est invisible ! Je voulais simplement vous féliciter à vous 2 !