Nous avons eu le plaisir d’interviewer Antoine Keraudy, ambassadeur digital spécialisé dans la santé et le handicap. Depuis plus de 10 ans, il informe les personnes handicapées, les professionnels et les aidants de l’actualité du secteur en France.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a motivé à vous engager dans la sensibilisation au handicap ?

Atteint d’une maladie osseuse depuis la naissance, je me déplace en fauteuil roulant. Vers mes 18 ans, j’ai commencé à me renseigner sur mes droits pour passer le permis, obtenir une voiture adaptée, etc. Ces informations sont malheureusement difficiles à trouver et je me suis senti un peu perdu. Je me suis tourné vers les réseaux sociaux et j’ai réalisé que beaucoup de personnes étaient dans mon cas. J’ai alors décidé d’informer les gens en partageant ce que je découvrais.

J’ai commencé sur Twitter, pendant une dizaine d’années, puis je me suis lancé sur LinkedIn il y a cinq ans. Aujourd’hui mon métier consiste à valoriser les initiatives autour du handicap et, plus largement, dans le secteur de la santé.

Comment utilisez-vous les réseaux sociaux pour informer et sensibiliser sur les questions liées au handicap ?

J’utilise les réseaux sociaux pour montrer la réalité du quotidien des personnes en situation de handicap, mais aussi pour mettre en lumière des avancées positives et les ressources disponibles. Je fais beaucoup de veille en suivant les médias spécialisés et généralistes.

Les personnes handicapées ont très peu la parole dans les médias traditionnels, sauf lors de grands événements comme les Jeux paralympiques. Le reste du temps, la communication est quasi inexistante. Par mon travail, j’essaie de montrer que le handicap nous concerne tous, directement ou indirectement.

Pouvez-vous partager une réussite ou une initiative en faveur du handicap qui vous a particulièrement marqué ?

Ce qui m’a particulièrement marqué ces dernières années ce sont les avancées dans le domaine médical. Les traitements sont de moins en moins lourds ou intrusifs, et permettent aux patients d’avoir une meilleure qualité de vie. C’est le fruit d’un travail remarquable de la part des scientifiques.

Parmi les initiatives locales, j’aimerais parler de la création d’une aire de jeux inclusive à Vannes, qui a depuis été reprise par d’autres communes. Cette initiative montre comment on peut faire bouger les choses à toutes les échelles.

Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les personnes handicapées en France aujourd’hui ?

Le principal défi auquel sont confrontées les personnes en situation de handicap est l’accessibilité sous toutes ses formes. Concernant l’accessibilité physique, la situation est catastrophique. On voit que malgré l’évolution de la réglementation ce n’est pas encore rentré dans les mœurs. L’accessibilité numérique est un autre enjeu de taille : la majorité des sites web ne sont pas construits de manière inclusive. 

Le deuxième défi est celui de l’accès à l’emploi. Les discriminations à l’embauche persistent, encore plus quand l’économie est en crise. Malgré la loi sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, les entreprises ont toujours du mal à intégrer des personnes en situation de handicap, à les former et les faire évoluer en interne.

Enfin, il y a les difficultés administratives. Les personnes en situation de handicap doivent gérer beaucoup de démarches au quotidien, souvent avec plusieurs agences différentes.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises pour mieux intégrer les personnes handicapées ?

J’aurais 4 conseils principaux pour les entreprises :

1. S’informer.

L’ignorance, c’est le vrai poison. Que ce soit par des conférences d’experts ou la mise en avant de témoignages de collègues, la lutte contre les préjugés passe par la sensibilisation de chacun.

2. Développer des partenariats avec d’autres acteurs.

J’encourage les entreprises à créer des passerelles directement avec les écoles, les EA (entreprises adaptées) ou les ESAT (établissements et services d’accompagnement par le travail), et ainsi disposer d’une réserve de talents facilement mobilisable.

3. Former et faire confiance.

Le problème de l’insertion professionnelle pour les personnes en situation de handicap commence dès les études, avec des difficultés à trouver des stages ou des alternances, et donc à finaliser certains cursus. Un accompagnement adapté peut néanmoins compenser cela. Il faut que les employeurs aient confiance dans la capacité des personnes handicapées à évoluer, voire à manager, si elles sont correctement soutenues. 

4. Se faire accompagner.

Il existe aujourd’hui de nombreux intermédiaires qui accompagnent les entreprises à tous les stades d’une embauche : appui administratif, conseil en ergonomie des postes de travail, cabinets de recrutement spécialisés, etc. Il ne faut surtout pas hésiter à y faire appel.

Comment réagissez-vous face aux préjugés et à l’ignorance concernant le handicap, et quel message aimeriez-vous transmettre à ce sujet ?

De manière générale, j’essaie de réagir avec humour et pédagogie. Il n’y a qu’à travers l’échange qu’on améliore durablement une situation. Le sujet du handicap ne devrait pas être tabou et on devrait tous pouvoir en discuter, notamment avec les nouvelles générations.

Quels sont vos projets pour continuer à promouvoir l’inclusion et la sensibilisation au handicap ?

Je souhaite continuer à informer et essayer de toucher chaque jour de nouvelles personnes. On a vu à quel point la communication sur le handicap est importante et je reste mobilisé pour y participer. Tant que je me sentirai utile, je poursuivrai mon action.

👉 Vous pouvez suivre les publications d’Antoine sur LinkedIn.

Propos recueillis par Laura Santotide