Françoise Ellien est psychologue, spécialisée dans l’accompagnement des jeunes aidants. Dans le cadre de l’appel à projets que le Fonds de dotation ASI a lancé fin 2024, nous sommes ravis de pouvoir échanger avec elle.

Pouvez-vous nous parler de la situation des jeunes aidants en France ? 

Les jeunes aidants sont souvent invisibles dans notre société. Ils ont envie de faire partie du groupe, d’être comme les autres ados ou leurs camarades. Alors ils taisent leur vie à la maison. C’est une situation complexe qui peut avoir des conséquences importantes sur leur vie. 

Comment ces jeunes vivent-ils leur rôle d’aidant au quotidien ? 

C’est souvent difficile pour eux. On rencontre parfois aussi une sorte d’obligation morale : les jeunes ne s’autorisent pas à profiter d’une activité extra-scolaire et s’isolent car ils sont inquiets de l’état de santé de leur parent. Ils perçoivent les loisirs et le temps passé loin de leur proche aidé comme une trahison à l’égard de ce dernier. Ceux qui vivent avec un parent qui a une maladie mortelle évoluent dans un sentiment d’incertitude permanent, un socle de sérénité insuffisante qui peut générer des phobies.

On parle souvent de « parentification » dans ces situations. Qu’en pensez-vous ? 

Je m’oppose à la notion de parentification jugée négative. On pense à tort que les rôles sont inversés. Même si je suis une mère avec une sclérose en plaques, ma position psychique de maman ne change pas, bien que je sois une mère empêchée. Les parents malades sont tout autant des parents que les autres. Pouvoir constater qu’ils ne sont pas les seuls parents dans cette situation fait diminuer le sentiment de culpabilité qu’ils ont à demander de l’aide à leur enfant.

Quels sont les défis auxquels sont confrontés ces jeunes aidants ? 

Il y a de nombreux défis, notamment en termes de reconnaissance et de soutien. Actuellement, lorsqu’une fillette accompagne sa maman chez l’oncologue un jeudi en plein après-midi, personne ne s’offusque. C’est un problème qui montre le manque de sensibilisation à cette réalité. 

Que faudrait-il faire pour mieux soutenir ces jeunes aidants ? 

Il faudrait tout d’abord sensibiliser l’Education nationale. L’objectif est de faire en sorte que la situation d’aidance puisse être mieux repérée à l’école. Il faudrait par exemple être en mesure de proposer des dispositifs pour les enfants aidants, comme un aménagement des horaires ou une compréhension en cas d’absence justifiée.

Pouvez-vous nous parler de l’association nationale JADE que vous avez fondée ? 

L’objectif de JADE est de rendre visibles et audibles les jeunes aidants et développer des dispositifs artistiques. Nos missions concernent également les professionnels : d’une part, former et accompagner toutes les structures qui souhaitent porter un dispositif pour les jeunes aidants sur leur territoire ; d’autre part, sensibiliser l’écosystème des professionnels pouvant être confrontés à des situations de jeunes aidants (santé, social, médico-social, Éducation nationale, etc.).